Contexte
général
Durant
mon activité scientifique, je suis resté marqué par les cours en
1966-67 (DEA) de mon futur directeur de thèse Jean-Pierre Guiraud,
notamment au sujet des instabilités hydrodynamiques et des bifurcations.
Mes recherches
se situent essentiellement dans le domaine de la Dynamique
des fluides théorique, un
mélange d'analyse mathématique et de dynamique non
linéaire,
avec la contrainte d'avoir à traiter les équations
de la mécanique des fluides - Navier-Stokes (fluides visqueux)
ou Euler (fluides parfaits). Ceci explique notamment pourquoi
j'ai été "invited speaker" au Congrès mondial des
mathématiciens ICM à Berlin en 1998 (voir [C31]), bien que
Président du Comité National Français de
Mécanique de 1997 à 2004 (s'occupe de la
représentation française au Congrès mondial des
mécaniciens ICTAM). J'ai créé en 1980 avec
U.Frisch (Nice) un DEA "Turbulence et Systèmes Dynamiques" que
j'ai dirigé 15 ans, et qui a permis d'attirer de bons
étudiants, finissant par constituer une équipe performante
travaillant dans ces domaines. Une conséquence a
été la création en 1991 avec mon
Collègue physicien Pierre Coullet (célèbre notamment pour sa
découverte avec C.Tresser de la
renormalisation dans le doublement de période), de l'Institut
non linéaire de Nice (INLN), laboratoire pluridisciplinaire
mélangeant mathématiciens, mécaniciens et
physiciens y compris expérimentateurs. J'ai dirigé l'INLN
de 1991 à 1994. La récente évolution de ce
laboratoire vers l'Optique (y compris lourde au niveau
expérimental), suivant le voeux du CNRS (en opposition avec
l'idée de départ présidant à la
création de l'INLN), a engendré la réunion de tous les physiciens dans
un seul laboratoire INPHYNI.
Ceci a notamment entraîné le départ
(ou le retour) des mathématiciens et des mécaniciens des
fluides
vers le Laboratoire J.A.Dieudonné (labo de Maths). J'y fais à nouveau
mes recherches depuis janvier 2007 en tant que Professeur IUF
émérite. J'ai obtenu en 2008 le Prix Ampère de
l'Académie des Sciences pour l'ensemble de mes travaux.
Pour résumer mon activité de recherche, disons que j'essaie d'appliquer mes outils favoris pour expliquer certains phénomènes physiques au niveau fondamental, souvent à l'aide de discussions avec des expérimentateurs. Je suis aussi intéressé à résoudre des problèmes classiques, longtemps délaissés car jugés trop difficiles, sur lesquels ces méthodes s'avèrent efficaces (voir la section sur les problème de Couette-Taylor et de la convection de Bénard-Rayleigh, et le chapitre sur les vagues).
Dynamique et Bifurcations dans les systèmes de type Navier-Stokes
Ces travaux considèrent les
équations de Navier-Stokes comme une équation
différentielle dans un espace de Hilbert, afin d'utiliser les
techniques d'équations différentielles ordinaires en
cherchant des solutions continues du temps, à valeurs dans le
domaine de l'opérateur non linéaire qui est un espace de champs
de vecteurs de dimension infinie. L'article [6] (1971) est axé
sur l'analyse fonctionnelle, tandis que [11] (1972) donne une
des premières démonstrations du fait que la
théorie de la bifurcation de Hopf s'applique aux
équations de Navier-Stokes
(fait en même temps et
indépendamment de D.Sattinger (Minnesota), et V.Yudovich
(Rostov). Dans [18] (1978)
nous donnons le premier exemple concret de bifurcation de Hopf dans
Navier-Stokes, cet exemple s'avérant a posteriori d'un grand
intérêt pour certains météo-dynamiciens. J'ai repris en 2023 la
convection de Bénard-Rayleigh avec condition aux limites libre-libre,
où les plages de stabilité des solutions bifurquées sont précisées
(calculs explicites) en
fonction du nombre de Prandtl (figures dans [97]
) montrant que les seules solutions stables sont les rouleaux ou le pattern en
triangles (figure ci-dessous).
L'article [14] (1977) donne
notamment une démonstration simple
(la 1ère dém. étant due à Kato et Fujita)
de l'analyticité en temps de la solution du problème de
Cauchy pour les équations de Navier-Stokes (quelques
années avant une autre démonstration par Foias et
Témam). Ceci était utile pour construire l'application de
Poincaré au voisinage d'une solution périodique, afin
d'employer la réduction à une variété
centrale pour difféomorphismes, et arriver à montrer
l'existence de bifurcations notamment vers des solutions
quasi-périodiques (voir les livres [M1] et [M2] (niveau
undergraduate)). Noter que le livre [M2] sur la
théorie
élémentaire des bifurcations
avec D.D.Joseph (1980), de niveau undergraduate, avec
exercices (au moins pour les 8 premiers chapitres), a eu un certain
succès (traduit en russe et en chinois, plusieurs tirages et
nouvelle
édition en 1990). Les livres [M5] (avec Mariana Haragus) et [M6] (en
français) donnent un point de vue "moderne" des techniques utilisables
dans les problèmes d'instabilités et bifurcations régis par des EDP
issues de la physique (voir plus bas)
Bifurcations vers des tores invariants pour les mappings [20, 21, 33] Le but était de comprendre notamment certains résultats expérimentaux sur la convection de Bénard-Rayleigh en petite boîte, où plusieurs fréquences apparaissent après une succession de bifurcations. Dans les deux premiers articles [20] (90p.), [21] (1979) avec A. Chenciner (Paris), nous donnons des conditions suffisantes sur une famille de mappings ayant un tore invariant, afin d'obtenir une bifurcation vers un tore de dimension plus grande. Ces conditions portent sur l'opérateur linéarisé, incluant des conditions diophantiennes sur le nombre de rotation et sur les valeurs propres, semblant très restrictives à cette époque. Cependant, quelques années plus tard, nous avons montré, avec J.Los [33] (1988) (Marseille) que ces bifurcations peuvent apparaître quasi-génériquement, au sens qu'un paramètre additionnel donne une description de telles bifurcations sur un ensemble de Cantor de l'espace des paramètres.
Le problème de Couette-Taylor
[27,
28, 38, 42, 44], Livre:
[M3]
Ces
articles et le livre [M3] (1994) écrit avec P.Chossat,
étudient le problème de Couette-Taylor (problème
vieux de plus d'un siècle) des instabilités d'un fluide
visqueux compris entre deux cylindres co-axiaux en rotations uniformes.
Ma petite équipe et moi-même avons travaillé
environ 10 ans, théoriquement et numériquement, sur ce
sujet, en concertation
avec des équipes expérimentales
américaines (H.Swinney, R.Tagg,
D.Andereck) permettant des découvertes, des comparaisons et des
confirmations, y compris quantitatives
. Nous avons pu prédire (1985) par exemple la structure en
"rubans" qu'on peut obtenir lorsque l'écoulement de Couette perd sa
stabilité alors que les cylindres tournent en sens contraires.
Cet écoulement a été observé plus tard par
R.Tagg (Colorado) et correspond à des ondes stationnaires dans
la direction axiale, et rotatives dans la direction azimuthale. Nous
avons en fait utilisé de façon systématique la
réduction à une variété centrale et les
symétries brisées par les modes critiques, afin d'aboutir
(en les justifiant) à des équations d'amplitudes faciles
à étudier. De plus, [27] (1986) donne une preuve simple d'une
telle réduction au voisinage d'une
orbite de groupe non triviale
(cercle, tore,...), et permet d'expliquer simplement la grande
variété des écoulements physiquement
observés, qui bifurquent quand les rouleaux de Taylor perdent leur
stabilité. Dans [28] (1987) nous étudions la
compétition entre deux types de modes critiques oscillants,
qui se réduit à l'étude d'un système différentiel de
dimension 8 (variété centrale), et permet d'interpréter quelques
résultats
expérimentaux de l'équipe d'Andereck (Ohio) et R.Tagg
(Colorado), comme le régime en "spirales
interpénétrantes". Dans [38] (1989) et [44] (1991) avec A.Mielke
(Stuttgart), nous étudions les solutions stationnaires ou périodiques
du temps, en ne
faisant plus l'hypothèse de périodicité axiale.
Ici la coordonnée axiale joue le rôle du temps dans un système qui est
alors réversible. Ceci donne
de nouvelles solutions des équations de
Navier-Stokes, comme des solutions axialement quasi-périodiques
([42] avec J.Los, 1990), des solutions ressemblant à
l'écoulement de Couette au centre, et aux rouleaux de Taylor aux
extrémités, et nous montrons aussi l'existence d'une solution
de type "défaut" connectant deux écoulements en ondes
hélicoïdales symétriques. Cet écoulement est
souvent observé en premier pour une certaine plage des
paramètres où les cylindres tournent en sens inverses.
Le livre [M3] constitue la réponse à
la plupart des questions posées par R.Feynman sur le
problème de Couette-Taylor ("one of
the most challenging problems in fluid mechanics") à la fin du
second volume sur l'électromagnétisme, de son fameux cours de physique.
Formes Normales générales et applications
La section sur le problème de Couette-Taylor utilise déjà la réduction à une forme normale pour arriver à des équations aux amplitudes (variété centrale) faciles à étudier, grâce aux symétries du système. Cette réduction est également utilisée en théorie des vagues (voir le chapitre suivant) dans le cadre des systèmes réversibles. Cette section concerne les résultats généraux et d'autres applications que celles citées ci-dessus.
Les formes normales
et les systèmes réversibles , [29, 31, 40], [69],
[74], Livres: [M4], [M5], [M6]
La recherche de
"formes normales
pour
simplifier l'étude locale de champs de vecteurs au voisinage
d'une situation singulière, est un sujet qui remonte à
Poincaré, Birkhoff et, plus récemment, V.Arnold.
L'article [29] (1987) qui est mon article le plus cité,
résulte d'une collaboration notamment avec des physiciens chiliens, et
permet une caractérisation simple
des formes normales,
utilisant seulement des outils analytiques élémentaires
(évitant la géométrie algébrique). Une
partie de notre résultat est en fait inclus dans un article
antérieur (peu lisible) de Belitskii. Notre résultat
est maintenant classique est fait partie de logiciels de calculs
(livre de S.N.Chow). L'article [31] (1988) étend le
résultat aux champs de vecteurs périodiques du temps.
Dans [40] (1990, mon 2ème article le plus cité) avec
P.Coullet, nous donnons la liste des
10 bifurcations génériques possibles d'un pattern stationnaire
périodique
dans une direction, solution d'un système invariant par
translation et réflection (comme dans de nombreux
problèmes d'instabilités hydrodynamiques). Nous donnons notamment la
preuve
qu’une
bifurcation avec rupture de la symétrie de
réflection pour un pattern
périodique d'un tel système, peut produire une
onde progressive lente. Cet article reste une
référence pour de nombreuses évidences
expérimentales observées depuis sa parution.
Je me suis aussi, plus
spécialement, intéressé à la
résolution des bifurcations
de systèmes réversibles
(le champ de vecteurs anticommute avec une symétrie),
où il apparaît
que la forme normale est le plus
souvent intégrable.
Ces
systèmes sont
très fréquents en Physique et en
Mécanique (voir le chapitre sur la théorie des vagues).
Mon travail
le plus cité est
[49] (1993) avec M.C.Pérouème sur la
résonance 1:1 où nous avons pu trouver
presqu'explicitement des solutions homoclines alors que
les spécialistes se bornaient jusqu'alors à chercher les
solutions périodiques. Ce résultat est maintenant
utilisé non seulement dans les tiges élastiques, mais
aussi dans les systèmes hamiltoniens, comme en optique non
linéaire.
Une série de
cours faits à
Stuttgart en 1990 a engendré le petit livre [M4] (1992),
écrit avec M.Adelmeyer (Zurich) et réédité
en 1999. Avec Mariana Haragus
(Besançon), nous avons écrit le livre [M5]
(329p., Springer UTX series et EDP Sciences, 2011) qui contient toutes
les
démonstrations pour les variétés centrales et
formes normales, et qui contient beaucoup d'exercices et
problèmes (résolus) testés dans des cours de DEA
à Nice, Bordeaux, Besançon,... Son originalité est
de traiter spécifiquement les
systèmes de dimension infinie,
en donnant les conditions les plus accessibles pour permettre
d'utiliser ces techniques, le calcul explicite des formes normales,
et comment obtenir les différentes
bifurcations, avec un chapitre particulier pour les bifurcations des systèmes réversibles.
Dernièrement, avec Mariana Haragus nous montrons [93] l'existence des
défauts symétriques dans la convection de Bénard-Rayleigh, ce qui
utilise notamment la théorie des formes normales pour un système
réversible (ici c'est la direction horizontale x qui joue le rôle du
temps), pour montrer l'existence d'une solution hétérocline, connectant
les deux régimes de rouleaux symétriques par rapport à 0y. Ces
résultats sont complétés dans [95] avec des conditions aux limites
mixtes. Enfin le problème des défauts en rouleaux se rencontrant
orthogonalement, où les
solutions à l'infini ne sont plus symétriques, est traité en
collaboration avec B.Buffoni dans [96] par une méthode variationnelle.
Ce défaut en rouleaux orthogonaux est maintenant complètement démontré
par une étude analytique (technique) [98], [99].
Dans les articles [69] et [74] (2005) avec Eric Lombardi, nous étendons pour des champs de vecteurs analytiques assez généraux, la possibilité de trouver un reste exponentiellement petit, en optimisant le nombre de termes dans la forme normale. Ce type de résultat était seulement connu pour certains champs de vecteurs hamiltoniens. On utilise le même type de technique dans [83] (2009) pour obtenir des variétés centrales analytiques, à un terme exponentiellement petit près (ce qui permet de simplifier considérablement certaines démonstrations antérieures donnant des solutions avec des "queues" exponentiellement petites). On suggère également des applications en théorie des vibrations non linéaires de structures, où on peut maintenant justifier certaines techniques utilisées par les ingénieurs sous le vocable "modes normaux non linéaires".
Application des méthodes de réductions aux réseaux d'oscillateurs [61], [62], [73], [78]
L'article [61] (2000) avec K.Kirchgässner (Stuttgart) montre que l'on peut utiliser les méthodes de réductions (variété centrale et forme normale) pour l'étude locale des ondes progressives dans les réseaux discrets (infinis) de masses ou d’oscillateurs interagissant avec leur proches voisins (notamment Fermi-Pasta-Ulam, et Klein-Gordon) [61], [62] (2000). La difficulté est de montrer que la réduction à une variété centrale s'applique, malgré l'allure du spectre de l'opérateur linéarisé (commune à tous les réseaux de ce type). Nos résultats ont considérablement enrichi l'ensemble des solutions accessibles analytiquement. L’article de revue [73] (2005) avec G.James fait le point des résultats qui utilisent notre méthode, notamment pour la recherche des "travelling breathers".
Le problème de convection de Bénard-Rayleigh
[93], [95], [96], [97], [98], [99]
Mon Directeur de Thèse Jean-pierre Guiraud m'a introduit aux instabilités hydrodynamiques, notamment dans le problème de Couette-Taylor (voir plus haut) et aussi celui de la convection de Bénard-Rayleigh. Il s'agit ici des instabilités d'une couche de fluide visqueux comprise entre deux plans horizontaux, soumise à un chauffage par en dessous, les conditions aux limites pouvant être de 3 types différents: rigide-rigide, rigide-libre ou libre-libre.
Commençant sur la situation "classique", je me suis intéressé déjà en 1977 ([16] avec R.Lozi) au problème Dynamo (création par bifurcation de Hopf d'un champ magnétique lorsque le fluide est conducteur et que la convection est 3-dim) , et me suis aussi intéressé à la convection en fluide compressible [43] (collaboration CEA). Tout récemment, j'ai repris le système des équations de bifurcation pour le problème de convection libre-libre, qui permet des calculs explicites. J'ai ainsi pu montrer [97] que, contrairement aux idées reçues, les seules solutions périodiques bifurquées possiblement stables selon le nombre de Prandtl, sont non seulement les rouleaux bi-dim (classiques) mais aussi le pattern en triangles équilatéraux (plus original, voir la figure plus haut).
Enfin,
une série de 5 articles plutôt épais est consacrée à l'étude de
certains défauts dans les patterns de convection. Avec Mariana Haragus,
nous avons considéré dans un premier temps le
défaut où deux régimes de rouleaux se rencontrent symétriquement en
faisant un certain angle [93], [95] : ceci utilise la dynamique
spatiale, la réduction à une variété centrale de dimension 13, et une
mise sous forme normale des termes cubiques, complétée par une étude de
persistance d'hétérocline symétrique obtenue sur le système tronqué de
dimension 8. Dans un
deuxième temps, en collaboration avec Mariana Haragus et Boris Buffoni
(EPFL) nous avons considéré le défaut où deux systèmes de rouleaux se
rencontrent orthogonalement [96] et montré comment on arrive (via
dynamique spatiale, variété centrale et forme normale (encore) en
dimension 13
(!)) à un système tronqué de dimension 6 où une méthode variationnelle
permet de montrer l'existence de l'hétérocline (non symétrique ici) qui
correspond au défaut
recherché. J'ai pu ensuite montrer analytiquement l'existence et les
propriétés de cette hétérocline [98] et j'ai pu montrer sa persitance
pour le système complet de Navier-Stokes-Boussinesq [99], aboutissant à
une famille de défauts où les nombres d'onde aux deux infinis diffèrent
en général.
Théorie des vagues
J'ai débuté en théorie des vagues vers 1990, influencé par K.Kirchgässner (Stuttgart) et Frédéric Dias (maintenant à Dublin), nouvellement arrivé dans mon labo. Mes derniers résultats sur le Clapotis et sur les vagues tridimensionnelles (symétriques ou non par rapport à la direction de propagation) sont dans 3 articles épais (environ 100p. chacun) comme c'est souvent le cas lorsqu'on résout des problèmes de petits diviseurs.
Application
des méthodes de réduction aux vagues [46, 49, 63]
Matisse 1952
Ces articles
considèrent le problème des vagues (ondes progressives)
bi-dimensionnelles (problème datant de Stokes, il y a plus de 170 ans).
On adapte la réduction à une variété
centrale, initiée par K.Kirchgässner sur les
systèmes elliptiques en domaine cylindrique (on
considère la coordonnée d’espace non
bornée comme un temps et on traite
le problème comme un problème
d’évolution, bien que le problème de
Cauchy soit mal posé),
et on y ajoute la réduction sous forme normale des
systèmes réversibles. Nous avons pu prouver [41] (1990)
et [49] (1993, cité plus haut) l'existence d'un nouveau type
d'onde solitaire, avec des oscillations amorties à l'infini, qui
a été une surprise pour les spécialistes, et qui
semble être observable dans des circonstances
particulières (cf. ref. dans [63]) . Dans [46] (1992) nous
complétons les résultats antérieurement connus, en
initiant notamment un important travail sur la bifurcation des ondes
solitaires généralisées, ayant une "queue"
exponentiellement petite à l'infini (cf. Lecture Notes in Maths
1741 d'E.Lombardi).
Mes
travaux dans ce domaine ont été reconnus
d’une part par un prix Max
Planck - von Humboldt en 1993 (avec K.Kirchgässner),
d’autre part par le
privilège (c’en est un pour un
mécanicien !) d’une invitation
à
faire une sectional lecture au
Congrès International des Mathématiciens de
Berlin en 1998
. L’ensemble des résultats obtenus dans cet
état d’esprit (même en vagues 3-dim), a fait
l’objet de l’article [63]
(2003) de revue
écrit avec F.Dias (Cachan) pour le
Handbook of Mathematical Fluid Dynamics. Une version courte [C31] a
été présentée au Congrès ICM
à Berlin.
Bifurcations de vagues à partir d'un spectre continu [52, 59, 65, 66, 75]
Le
problème mathématique de la recherche des ondes
progressives est plus difficile lorsqu'une des couches de fluide est
d'épaisseur infinie. L'examen des échelles de longueur
montre que considérer l'épaisseur comme infinie est pertinent
dans la plupart des cas, si l'on souhaite un domaine de validité
non négligeable des résultats mathématiques. Une
fois formulé comme un système dynamique spatial, on
montre que le spectre de l'opérateur linéarisé
contient l'axe réel tout entier (spectre essentiel). Ceci
empêche l'usage de la réduction à une
variété centrale comme ci-dessus.
J’ai montré que cela ne perturbait
pas en général la recherche des ondes
progressives périodiques [59] (1999),
malgré la résonance due au spectre en 0 (on
retrouve ainsi le résultat
de Lyapounov - Devaney établi en dimension finie et en l’absence de
résonance)
(bien que mon résultat soit techniquement simple, il est
régulièrement
cité).
Nous avons dû construire une théorie
de formes normales en présence d'un spectre essentiel réel.
Dans [52] (1996) avec P.Kirrmann (une couche de fluide
d'épaisseur infinie, avec tension de surface à la surface
libre), nous montrons l'existence d'ondes solitaires avec oscillations
amorties à l'infini, mais à décroissance
polynomiale, au lieu d'exponentielle comme en profondeur finie. Dans
[65] (92p.) et [66] (2002-03) avec E.Lombardi et S.Sun (Virginia Tech)
(deux couches superposées, dont une infinie, et tension de
surface à la surface libre), nous sommes en présence
d'un couplage entre une oscillation naturelle et une
décroissance polynomiale lente à l'infini. On montre
comment l'équation de Benjamin - Ono apparaît
naturellement ici, couplée avec un oscillateur, engendrant la
bifurcation d'ondes solitaires généralisées, avec
oscillations exponentiellement petites à l'infini. Noter qu'ici,
l'effet du spectre essentiel se situe à distance finie,
contrairement à [52]. La généralisation de
ces études, et l'établissement d'hypothèses
génériques, notamment sur la résolvante de
l'opérateur linéarisé au voisinage de 0, qui
conduisent à ce type de bifurcation est l'objet des travaux de
Matthieu Barrandon (thèse en 2004). Un article de revue [75]
(2005) écrit avec M.Barrandon fait le point des résultats
récents sur ce thème.
Ondes
stationnaires de gravité: le Clapotis [60, 64, 68 (112p.), 71, 72, 80] (avec J.Toland et P.Plotnikov)
Le problème
très classique de
l’écoulement potentiel bidim périodique
en temps et coordonnée
horizontale,
d'une couche fluide de profondeur infinie, symétrique par
rapport à la
verticale, avec surface libre
et en l’absence de tension de surface, a intéressé
notamment Boussinesq (1877) et Rayleigh (1915). La difficulté
provient de l'infinité de résonances, et du fait que dans
la formulation, les termes non linéaires interviennent avec un
ordre de dérivation plus grand que pour les termes
linéaires. La note [80] (2007) écrite en l'honneur de
Boussinesq, replace son travail séminal dans le cadre actuel.
Dans [60] (1999) et [64] (2002) j'ai simplifié et
amélioré les résultats précédents de
Toland et Amick (1987) sur l'existence d'une série formelle en
puissances de l'amplitude, pour une onde stationnaire, en satisfaisant
l'infinité de conditions de compatibilité. De plus, j'ai
donné une infinité de solutions différentes,
multi-modales à l'ordre principal. Dans [68, 112p.] (2005),
complété par [71] et [72], avec P.Plotnikov (Novosibirsk)
et J.Toland (Bath), nous arrivons à montrer
l'existence des solutions stationnaires unimodale et multimodales, pour
des valeurs de l'amplitude dans un ensemble asymptotiquement de
mesure pleine à l'origine. Ce travail technique
résout, d'une part la difficulté de la
dégénérescence complète (noyau de
l'opérateur linéarisé de dimension infinie),
d'autre part la perte de régularité des termes non
linéaires, nécessitant l'application du
théorème des fonctions implicites de Nash-Moser. Il faut
alors choisir des coordonnées et des variables convenables afin
de pouvoir inverser en tout point voisin de 0, la différentielle
qui apparaît sous la forme d'une équation hyperbolique non
locale en espace, à coefficients périodiques, faisant
intervenir un problème de petits
diviseurs.
Vagues
de gravité tri-dimensionnelles [M7, 128p.], [84], [85, 87p.] (avec P.Plotnikov)
Vagues
3-dimensionnelles symétriques (ondes à courtes crêtes).
Avec P.Plotnikov [79] (Memoirs of AMS 2009, 128p.), nous avons
considéré les ondes
progressives
bi-périodiques à la surface (libre)
d’une couche (infiniment profonde)
de fluide parfait en écoulement potentiel, soumise
à la seule gravité,
qui résultent de l’interaction non
linéaire de deux ondes
planes périodiques faisant un angle 2ø entre leurs
vecteurs d’onde.
L’équation de dispersion donne les valeurs
critiques µ
=
cosø du
paramètre sans dimension µ (dépend de la longueur
d'onde le long de la direction de propagation, et de la vitesse de la
vague). Pour les cas
non-résonants, on construit
formellement une famille d’ondes tri-dimensionnelles, sous la
forme de
développements en puissances des amplitudes des deux ondes
incidentes.
Les ondes symétriques par rapport à la direction
de propagation (dites
"à courtes crètes") sont un cas particulier
où les deux amplitudes sont
égales. L’objet principal de l'article [79] a
été de montrer l’existence de ces solutions
symétriques,
dont le développement mentionné plus haut
constitue le développement
asymptotique (figure ci-dessous). La
présence de petits
diviseurs
induit la
nécessité de
savoir inverser l’opérateur
linéarisé en tout point au voisinage de 0,
afin d’appliquer le théorème de
Nash-Moser. L’opérateur ainsi obtenu
est la somme d’un opérateur de
dérivation du second ordre dans la direction de la projection
horizontale de la vitesse des particules de fluide, et d’un
opérateur
pseudo-différentiel du premier
ordre, tous les deux dépendant périodiquement des
coordonnées
horizontales. L’inversion d’un tel
opérateur est ici la difficulté
principale. Les obstacles sont nombreux, notamment la recherche
d’un
difféomorphisme du tore qui rend constant les principaux
coefficients
de l’opérateur précédent, le
contrôle des petits diviseurs qui
nécessite de préciser un résultat
d’H.Weyl, et l’implémentation
d’une
méthode de descente assez générale qui
permet de ramener l’inversion de
l’opérateur linéaire à
l’inversion d’un opérateur de Fredholm.
On
montre alors que, pour presque tout angle ø, les ondes
tri-dimensionnelles bifurquent pour des "bonnes" valeurs de µ
dans un ensemble asymptotiquement de mesure pleine au voisinage de la
courbe µ
= cosø du
plan des paramètres.
L'infinie régularité de ces solutions périodiques
est maintenant démontrée par T.Alazard et
G.Métivier, grace à l'utilisation de la technique du
calcul paradifférentiel (cf l'article pédagogique sur le sujet paru
dans la Gazette des
Mathématiciens,
en oct 2010). Il est aussi intéressant de noter que la partie
principale de ces vagues symétriques correspond exactement aux
résultats expérimentaux obtenus notamment par D.Henderson à Penn State
en 2005 (voir ref dans [M7]).
Vagues
3-dimensionnelles asymétriques. Avec P.Plotnikov [84] [85] (ARMA 2010, 87p.), nous
prolongeons le résultat précédent au
cas des vagues périodiques pour lesquelles le réseau des
longueurs d'ondes est non symétrique par rapport à la
direction critique de propagation donnée par l'équation
de dispersion (la direction de propagation est une des inconnues du
problème). On doit, encore ici, trouver un
difféomorphisme du tore avec la même
propriété que dans le cas précédent pour la
différentielle au voisinage de 0, mais avec la difficulté
supplémentaire d'avoir à prendre pour le champ des
projections horizontales de la vitesse des particules, un nombre de rotation vérifiant une
condition diophantienne
(d'irrationalité) (alors que ce nombre vaut 1 dans le cas
symétrique précédent). Ce difféomorphisme
fait alors partie intégrante des inconnues du problème,
ainsi que le nombre de rotation, afin d'éviter d'avoir à
utiliser une infinité de fois le théorème de
Nash-Moser. Nous obtenons alors un résultat similaire au cas
symétrique, ici avec les deux amplitudes le long des ondes de
bases, ou de façon équivalente, en
termes du paramètre µ
et de la direction de propagation, appartenant à un sous ensemble de mesure asymptotiquement
pleine au point de bifurcation, ceci pour presque tout (au sens
de Lebesque) choix d'angles faits par les deux vecteurs d'onde de base
avec l'axe des x (figure ci-dessous).
Une conséquence, intéressante au niveau expérimental (plus difficile à faire), est que pour les solutions précédentes, on montre que dans le référentiel qui est lié aux vagues, la direction moyenne prise par la projection horizontale des trajectoires des particules de fluide à la surface libre, diffère de la direction de propagation des vagues. Il s'agit d'une "dérive directionnelle de Stokes", par analogie au phénomène connu pour les vagues bidimensionnelles, où la vitesse moyenne horizontale des particules est non nulle.