La
modélisation du trafic routier est un sujet relativement
ancien, puisque les premiers travaux sur le sujet remontent à
1935 (Greenshield, 1935). Ces travaux ont été à
l’origine menés essentiellement par des ingénieurs
soucieux de mieux maîtriser et optimiser les flux de trafic
s’écoulant sur les grands réseaux routiers, soucieux
également de mieux dimensionner les infrastructures nouvelles
par une meilleure prévision des flux et des capacités.
Du
point de vue opérationnel, les travaux menés en
modélisation du trafic ont permis le développement
d’outils de simulation qui sont aujourd’hui d’utilisation
courante pour la planification des transports ainsi que pour
l’exploitation de la route (régulation du trafic,
aménagement de carrefours….).
L’évolution
des techniques de gestion de la circulation, et singulièrement
celles liées à la communication avec l’usager
(information routière, système embarqués a, dans
les dernières années, provoqué un renouvellement
des besoins en termes de modélisation. Dans le même
temps la montée des préoccupations liées à
l’environnement et au développement durable s’est traduite
partout par un regain d’intérêt pour les outils de
modélisation et d’évaluation. C’est par exemple le
cas en France, où la généralisation des plans de
déplacements urbains cherchant à limiter la part de
l’automobile dans les déplacements et à contenir les
nuisances associées au trafic se traduit par une demande de
nouveaux outils d’évaluation et d’optimisation plus
réalistes dans la modélisation, plus riches dans leur
représentation de la réalité expérimentale
et plus simple aussi dans leur résolution.
Du
point de vue scientifique, l’ensemble des questions liées
à
la modélisation peut se regrouper en deux grandes classes de
problèmes et de modèles :
Les questions d’écoulement du trafic, c'est-à-dire la modélisation de l’écoulement d’un flux de trafic sur une section de route ;
Les questions d’affectation, c'est-à-dire la représentation de la façon dont un flux de trafic allant d’une origine à une destination sur un réseau maillé se répartit entre les différents itinéraires possibles.
On peut citer
également les modèles de files d’attente qui ont
trouvé des applications dans la modélisation des
congestions.
Dans la
suite, nous évoquerons essentiellement les travaux
consacrés
à l’écoulement du trafic, qui font l’objet du
projet présenté ici.
Comme
cela a été évoqué plus haut, les premiers
travaux dans ce domaine étaient avant tout des travaux
d’ingénieur, destinés avant tout à permettre
des calculs. Par ailleurs, un certain nombre de travaux ont
été
menés par des mathématiciens ou des physiciens sur la
modélisation du trafic. Il y a eu en revanche pendant
très
longtemps peu de communication entre les deux communautés, si
l’on excepte quelques papiers fondateurs comme celui de Lighthill
et Witham (1955) qui a fondé la théorie des ondes
cinématiques en trafic. En caricaturant à peine on
pourrait dire que les spécialistes du trafic élaboraient
des outils opérationnels (ou destinés en tous cas
à
l’être) sans souci excessif de rigueur scientifique, tandis
que les mathématiciens concevaient des modèles dont la
pertinence expérimentale n’était pas la
préoccupation
première.
Les
deux communautés ont commencé à se rapprocher il
y a quelques années, à croiser leur travaux et à
lire leurs publications respectives. La communauté
scientifique française n’a au demeurant pas été
étrangère à ce mouvement, qui s’est fait de
plusieurs manières :
Les spécialistes du trafic se sont penchés de façon plus rigoureuse du point de vue mathématique sur leurs modèles ; on peut citer à cet égard les travaux de Daganzo (1995), Lebacque (1996) , Lebacque et Lesort (1999) , Zhang (2000) et quelques autres.
Les mathématiciens ont de leur côté mieux pris la mesure de la complexité expérimentale du phénomène et ont développé des modèles la prenant mieux en compte. On peut à cet égard citer l’article de Hölden-Risebro (1995) sur les problèmes aux limites sur un réseau routier, les travaux d’Aw et Rascle (2000), Zhang (2002), Greenberg (2000), Benzoni - Colombo(2003), sans oublier les multiples travaux sur la modélisation cinétique du trafic, depuis Prigogine-Herman, dans les années 50, jusqu’aux nombreux travaux récents de Nelson, Klar et al, Illner, et bien d’autres, en particulier Helbing. Nous ne détaillons pas plus les travaux dans ce domaine très actif, car ce n’est pas l’orientation de ce projet, mais nous en retenons la problématique classique et essentielle du passage du discret (ou du cinétique) au continu, voir dans le premier cas Zhang (20002), Aw- Klar- Materne- Rascle (2002), et dans le deuxième Klar et al (2003). Mentionnons aussi l’application à la modélisation hyperbolique du trafic des progrès substantiels réalisés depuis vingt ans sur la simulation numérique des problèmes hyperboliques non linéaires, voir par exemple Shu- Wong-Wong (2003), et les travaux de LeRoux et al dans l’esprit des « well balanced schemes » de Greenberg-LeRoux.
Enfin des chercheurs issus d’autres disciplines, notamment de l’informatique et del’automatique ou de la physique, ont également renouvelé le sujet, les uns en étudiant les problèmes difficiles - et passionnants – d’affectation, les autres en apportant d’autres techniques de modélisation, telles que l’utilisation des automates cellulaires : mentionnons notamment Kerner, Nagel, et en particulier les travaux de Cécile Appert et L. Stanten etc..
La modélisation de la cinématique des véhicules, déjà ébauchée (Lebacque, 2002) (Leclercq,2002), mais qui reste un sujet d’actualité
La question des conditions aux limites, ainsi que tout ce qui concerne les points d’échanges (carrefours, échangeurs d’autoroute…)
L’écoulement de flux composites comportant plusieurs types de véhicules voire une variation continue des caractéristiques des véhicules, voir Benzoni-Colombo (2003) et le cas échéant la construction de modèles homogénéïsés, voir Bagnerini-Rascle (2003).
La liaison entre les modèles de flux (modèles macroscopiques) et les modèles de véhicules individuels (modèles microscopiques), elle aussi déjà ébauchée des deux côtés, (Zhang (2000), Bourrel (2003), Aw- Klar- Materne- Rascle (2002)), mais encore riche en potentialités de développements
Les modèles représentant explicitement l’écoulement sur des routes à plusieurs voies, qui posent, comme d’ailleurs les modèles avec un terme de relaxation, la question elle aussi assez subtile de l’approximation numérique des termes-source. Ce point est une motivation forte pour A.Y. LeRoux.
Dans le cadre de ce projet nous avons décidé de mettre l’accent sur trois questions, d’ailleurs reliées, qui à la fois sont des questions difficiles mais laissent entrevoir des possibilités de progrès. Ce sont des questions parfois difficiles, mais sur lesquelles les participants au projet ont déjà produit un certain nombre de résultats significatifs :
Celle du couplage microscopique /macroscopique,
Celle des conditions aux limites et de la modélisation des intersections,
Celle de l’extension des modèles : multi-classes, multi-voies, avec termes-source.