Thèmes de recherches de Pierre Jammes


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Je donne ici une description succincte (plus orientée vers les questions étudiées que vers les résultats précis) de mes principaux thèmes de recherche.

Laplacien de Hodge-de Rham

Le laplacien de Hodge-de Rham agit sur les formes différentielles d'une variété Mn en prolongeant le laplacien usuel agissant sur les fonctions. Cependant, le comportement du spectre du laplacien pour les formes de degré 0<p<n est en général assez différent cas des fonctions (p=0), et interagit plus avec la topologie de la variété. En particulier, sur une variété compacte, la multiplicité de la valeur propre nulle en restriction aux p-formes est égal au p-ième nombre de Betti, ce qui motive le problème suivant: quelles déformations de la métrique font tendre les valeurs propres vers 0 (avec une hypothèse de normalisation, par exemple en fixant le volume), c'est-à-dire tendent à « créer » de la cohomologie ? Donner une réponse générale, par exemple en démontrant un équivalent de l'inégalité de Cheeger pour les formes différentielles, semble assez difficile, on étudie donc à des situations géométriques particulières. Je me suis plus particulièrement intéressé aux situations suivantes : effondrements de variétés, les déformations conformes et variétés hyperboliques (voir ci-dessous).


Spectre de Steklov

Ce spectre, défini sur les variétés à bord, peut s'interpréter comme le spectre d'un opérateur Dirichlet-Neumann sur le bord de la variété. Il intervient dans des problèmes de tomographie (détermination de la géométrie de l'intérieur de la variété à l'aide de données recueillies sur le bord), d'hydrodynamique (problème de ballottement) ou de surfaces minimales. C'est un domaine extrêmement actif de la géométrie spectrale depuis le début des années 2010. Je m'y suis intéressé entre autres dans le contexte de la géométrie conforme et concernant les questions de multiplicité de valeurs propres.

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Spectre et effondrements de variétés

À courbure et diamètre bornés, la 1re valeur propre du laplacien agissant sur les fonctions est uniformément minorée. B. Colbois G. Courtois ont montré que cette propriété ne se généralise pas aux formes de degré quelconques ; en outre si une valeur propre du laplacien de Hodge-de Rham tend vers zéro pour une suite de métrique dont le diamètre et la courbure sont uniformément bornés, le volume de la variété tend aussi vers zéro, c'est-à-dire qu'elle s'effondre.

Je me suis intéressé au problème inverse : une suite de métrique qui effondre une variété compacte produit-elle ou non des petites valeurs propres, et si oui à quelle vitesse tendent-elle vers zéro par rapport au volume ou au rayon d'injectivité ? J'ai mis en évidence au cours de ma thèse que l'existence et le nombre de petites valeurs propres ne dépend pas seulement de la topologie de la variété, mais aussi de la géométrie de l'effondrement. Dans le cas des effondrements de fibrés principaux, j'ai donné une minoration du spectre des 1-formes proportionnelle au carré du volume de la variété, et j'ai montré, en utilisant certains phénomène arithmétiques pouvant apparaître dans la géométrie de l'effondrement, qu'on ne peut pas remplacer le volume par le rayon d'injectivité dans cette estimation. J'ai développé cet aspect arithmétique des effondrements dans le cadre des flots riemanniens (voir ci-dessous). Le principal problème concernant le spectre des variétés qui s'effondre est de savoir si la minoration par le carré du volume obtenue dans ce cas peut se généraliser.

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Flots riemanniens

On appelle flots riemanniens les feuilletages riemanniens orientables de dimension 1. Ces feuilletages sont suffisamment rigides pour qu'on ait pu les classifier sur les variétés de dimension 3 et 4 et pour qu'on en ait une description générale précise. Je m'y suis intéressé car ils ont la particularité d'admettre un effondrement à courbure bornée. L'étude de ces effondrements met en lumière l'interaction entre certains invariants géométriques (volume, rayon d'injectivité, spectre) et des invariants de nature dynamique du flot qui s'expriment en termes d'approximations diophantiennes. Ces liens ne sont à ce jour pas totalement éclaircis.

J'ai aussi mis en évidence un invariant arithmétique des flots riemanniens sous la forme d'un corps de nombres réel, qui est non trivial pour les flots non isométriques. Il est défini de manière locale mais se révèle fortement lié à la topologie globale de la variété. Réciproquement, la donnée d'un corps de nombres réel quelconque permet de construire des familles de flots riemanniens modèles.

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Spectres conformes et métriques extrémales

On s'intéresse au problème suivant : le fait de fixer le volume et la classe conforme sur une variété compacte rigidifie-t-il le spectre ?

La réponse s'avère dépendre de l'opérateur considéré. Pour le laplacien agissant sur les fonctions, on peut faire tendre un nombre arbitraire de valeurs propres vers zéro, mais chaque valeur propre est uniformément majorée sur une classe conforme à volume fixé (Li & Yau, El soufi & Ilias, Korevaar). Pour le diraquien, ainsi que pour une large classe d'opérateurs conformément covariants, on observe le phénomène inverse : on peut faire tendre les valeurs propres non nulles vers l'infini, mais pas vers zéro. Enfin, pour le laplacien de Hodge-de Rham, il n'y a pas d'obstruction à prescrire toute partie finie du spectre, sauf en degré 0 et 1 en raison des contraintes sur le spectre des fonctions, ainsi qu'en degré n/2 quand n est pair, pour lequel on observe la même rigidité que pour le diraquien.

Quand on sait qu'un valeur propre est bornée, sa valeur extrémale est appelée « valeur propre conforme », et le spectre conforme désigne l'ensemble de ces valeurs propres conformes. Un problème naturel est alors d'estimer les valeurs propres conformes, et de déterminer pour quelles métriques dans la classe conforme chaque valeur est réalisée.

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Multiplicité de valeurs propres

Grâce aux travaux de S. Y. Cheng et Y. Colin de Verdière, on sait que la multiplicité de la première valeur propre du laplacien agissant sur les fonctions d'une surface compacte est bornée en fonction de la topologie, mais qu'elle peut être arbitrairement grande sur toutes les variétés compactes de dimension supérieure ou égale à 3.

Les connaissances sont beaucoup moins précises dans le cas du laplacien de Hodge-de Rham. J'ai montré que sur toute variété de dimension supérieure à 3, la première valeur propre peut être double ainsi qu'un nombre arbitraire d'autres valeurs propres (quel que soit le degré), et on peut donner en toute dimension n>3 et pour tout degré p des exemples de variétés dont la multiplicité de la première valeur propre pour les p-formes peut être arbitrairement grande. En revanche, en dimension 3, on ne sais pas construire de multiplicité plus grande que 2 sur une variété quelconque.

Pour le spectre de Steklov, la situation est similaire à celle du laplacien usuel : j'ai montré qu'en dimension plus grande que 3 on pouvait prescrire la multiplicité des valeurs propre, mais qu'elle est bornée en fonction de la topologie en dimension 2. Preuve de l'activité bouillonnante dans ce domaine, cette borne en dimension 2 a été démontré simultanément et indépendamment dans trois prépublications (les deux autres étant dues à A.  Fraser et R.  Schoen d'une part, et M. Karpukhin, G. Kokarev et I. Polterovich d'autre part).

Pour le diraquien, le problème de créer des valeurs propres multiples de manière générique est totalement ouvert. En outre, comme la dimension du noyau n'est pas fixée par la topologie, la question se pose aussi pour la valeur propre nulle.

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